« La gestion de projets n’est plus ce qu’elle était ». D’ailleurs, l’expression « gestion de projets » n’est plus employée car uniquement associée à la planification et au suivi des projets. La notion de PPM (Project Portfolio Management) est plus représentative du pilotage de l’ensemble des activités des différents départements de l’entreprise, qu’il s’agisse du pilotage des activités d’une DSI ou de départements métier.
Aujourd’hui et encore plus demain, l’apport principal d’un outil sur les axes QCD du pilotage de projets n’est plus la planification mais bien le pilotage des ressources (moyens humains et financiers) et le respect de la qualité des prestations produites.
Le centre de gravité des besoins en outil de pilotage s’est déplacé.
Hier, disposer d’un outil capable de planifier en détail un projet, d’affecter des charges et d’échanger des données avec l’outil du contrôle de gestion était suffisant.
Dès aujourd’hui, le pilotage de projets est basé principalement sur la contractualisation avec d’autres sociétés et l’engagement de fourniture de livrables de ses sous-traitants et pour ses clients.
Les fonctionnalités d’un outil du contrôle de gestion doivent maintenant être intégrées dans l’outil de pilotage pour permettre les projections et simulations budgétaires.
Quelques causes peuvent expliquer cette évolution :
- La pression sur les coûts dans les entreprises fait qu’un projet peut dériver dans le temps avec moins d’impact qu’un dépassement budgétaire.
- Les entreprises voient un vrai intérêt à se (re)centrer sur leur cœur d’activité, n’hésitant pas à faire appel à de la sous-traitance massive lorsqu’elles estiment que leur valeur ajoutée interne est moins importante. La gestion de contrats de sous-traitance – avec un engagement fort pris sur le résultat et le coût – est donc essentielle.
- Au sein de l’entreprise, les départements entre eux passent également des contrats désormais très cadrés : la DSI avec des départements métiers, la R&D avec le département Production, les départements métier entre eux… En-dehors de la sous-traitance, des engagements forts sont donc pris au sein des entreprises, souvent avec des coûts associés et donnant lieu à des refacturations internes.
- Des changements internes à certains départements influent fortement sur ces évolutions. Par exemple pour une DSI, les développements « classiques » disparaissent pour laisser place à l’adaptation en mode agile de progiciels existants. Le besoin de planification à long terme est réduit, au contraire des échanges entre les acteurs et le pilotage de la qualité de production, qui sont devenus primordiaux.
Que ce soit pour piloter ses propres activités ou pour fournir les outils de pilotage aux autres départements de l’entreprise, la DSI est fortement impactée par ces changements.
L’évolution de la demande
Le Project Portfolio Management continue à être un élément essentiel du bon pilotage de l’activité des entreprises et des DSI en particulier, avec des évolutions sur 3 principaux axes :
- La volonté de profiter des méthodes agiles et des technologies innovantes pour aller plus vite dans la mise en place de dispositifs ;
- La multiplicité des projets, de taille parfois réduite ;
- Le corolaire au point précédent : la taille de plus en plus petite des entités en charge de piloter les projets.
Les entreprises ont pleinement conscience des possibilités apportées par les nouvelles technologies et méthodes autour des Systèmes d’Information : agilité rime avec rapidité de mise en place, ou encore avec simplicité ; et des technologies comme le SaaS ou le Cloud ouvrent à des entités ou des entreprises de taille moyenne à petite la possibilité de rêver à des dispositifs professionnels et bien structurés, sans les infrastructures qu’elles ne possèdent pas.
Par ailleurs, le nombre de projets à piloter s’est multiplié, avec désormais des projets de toutes tailles. Pour mener à bien un chantier, une mission, il est désormais indispensable de se poser la question « peut-on se mettre en mode projet ? », avec toutes les bonnes pratiques induites : définition d’un planning, maîtrise des délais et des coûts, implication des bons acteurs au bon moment, pilotage via des instances, etc.
Ainsi, le portefeuille des projets d’une entreprise peut désormais contenir des projets de taille moins importante : durée inférieure à un an, faible nombre de compétences différentes impliquées, coût inférieur à 1M€… Et cela permet souvent de passer un cap.
Enfin, des entités de taille plus « modeste » s’intéressent aujourd’hui au Project Portfolio Management. Qu’il s’agisse de départements d’une entreprise de taille moyenne, ou d’une PME, bien maîtriser son portefeuille de projets est aujourd’hui un levier majeur à actionner pour piloter son activité, dégager de la performance, et bien aligner l’activité avec la stratégie.
De plus, certaines entités de l’entreprise ont des activités bien spécifiques, devant être pilotées selon des axes bien précis, et parfois très différents des autres Directions. Disposer d’un système propre de pilotage de leurs projets leur est alors indispensable.
Les Directions des Systèmes d’Information sont directement concernées par ces évolutions sur le Project Portfolio Management,et ce à double titre :
- En tant que fournisseur de solutions et de services pour les autres entités de l’entreprise, elles sont désormais sollicitées non seulement par les « clients historiques » du PPM (R&D, Direction Industrielle) mais aussi désormais par des départements plus petits. Les technologies et éditeurs peuvent être alors différents et les DSI doivent s’adapter ;
- En tant qu’entité dans l’entreprise gérant ses projets, la DSI est également un des premiers clients de ces nouveaux dispositifs de Project Portfolio Management, plus souples, moins complexes, plus « light ».
Les réponses des éditeurs
Face à cette évolution de la demande, les éditeurs historiques (dits ERP de la Gestion de Projets) cherchent à s’adapter. Les outils qu’ils proposent se sont enrichis et en un sens complexifiés au fil du temps, pour répondre aux demandes de leurs clients historiques, et conquérir de nouveaux marchés. Ils ont ainsi élargi leur couverture fonctionnelle, proposant des fonctionnalités périphériques voire « optionnelles ». Or, cette nouvelle demande va dans le sens opposé : à la recherche des fonctionnalités « standard » du PPM, les entités gérant un nombre de projets limités poussent ces éditeurs historiques à développer en parallèle des versions plus souples et légères.
Ils proposent désormais tous des versions SaaS ou Cloud, ne nécessitant pas d’installation sur des serveurs propres chez leurs clients.
Le business model est également en train d’évoluer : reposant précédemment essentiellement sur la vente de licences, et un coût de maintenance annuelle intégrant à la fois les accès à des corrections éventuellement ou aux nouvelles versions mineures et majeures du produit, il intègre désormais une partie service.
Le marché du Project Portfolio Management compte désormais également de nouveaux acteurs, moins « puissants » et beaucoup plus petits que les éditeurs historiques, mais avec une souplesse et une adaptation aux nouveaux besoins qui séduisent la demande. C’est d’ailleurs en partie l’émergence de ces nouveaux entrants qui a poussé les éditeurs historiques à s’adapter. Cependant, des différences importantes demeurent.
D’abord, ces éditeurs « light » ne reposent généralement pas sur la base d’un outil historique : ils sont par nature plus souple, plus légers, plus simples que les ERP de Gestion de Projet. Ne pouvant concurrencer leurs prédécesseurs sur le pilotage de plusieurs milliers de projets avec des fonctionnalités complexes, ils se sont spécialisés sur les nouveaux besoins : simplicité de mise en place, simplicité de paramétrage, simplicité de prise en mains, outils pré-paramétrés sur les fonctionnalités « standard » du PPM. L’objectif de ces nouveaux entrants n’est pas forcément de concurrencer des éditeurs en place depuis des années, mais de les compléter sur d’autres créneaux, parfois dans les mêmes entreprises.
Par ailleurs, ces nouveaux outils sont pour la plupart créés pour être utilisés en SaaS ou Cloud. Leur business model est une véritable offre « packagée », incluant l’outil, les licences et les mises à jour de l’outil qui sont directement reportées sur les versions déployées chez leurs clients – ce qui est simplifié par une personnalisation moindre et l’utilisation au maximum de fonctionnalités « standard ». Le client a désormais une véritable offre de service, qu’il a pu mettre en place rapidement et à laquelle il pourra arrêter de souscrire également rapidement.
Ces nouveaux entrants sont donc totalement adaptés aux évolutions du marché du Projet Portfolio Management : d’un côté, les besoins de pilotage de portefeuille de plusieurs centaines ou milliers de projets existent toujours, avec des enjeux forts et des systèmes intégrant l’ensemble des strates du pilotage – stratégique, tactique et opérationnel – et nécessitant des ERP de Gestion de Projet proposant des fonctionnalités très avancées et totalement paramétrables ; en parallèle, des besoins plus « light » apparaissent, sur des sujets de pilotage précis, auxquels les éditeurs historiques s’adaptent plus difficilement.
Exemple d’une démarche PPM adaptée
A l’inverse des projets “classiques”, long et couteux en temps et en ressources, une démarche globale et innovante permet à des structures « à taille humaine » de mettre en place un dispositif PPM en 3 mois. Cette démarche pragmatique est basée sur 3 temps successifs :
Mois 1 : Cadrage Fonctionnel
La première phase est clé : durant un mois et à travers 3 à 4 ateliers, il faut travailler avec les interlocuteurs métier pour cadrer le besoin, en se focalisant sur les fonctionnalités essentielles, et sur la construction des processus et méthodologies PPM à déployer par la suite.
Le choix d’outil est fait en fonction des besoins du client.
Mois 2 : Paramétrage et Pilote
Lors du second mois l’intégralité du système est paramétré (fonctionnalités, reportings, interfaces…) dans un mode de fonctionnement agile : en lien direct avec des utilisateurs « pilotes », qui challengeront le système en l’utilisant sur un périmètre défini de données projet réelles. Il faut vérifier au fur et à mesure que l’outil est bien en phase avec les besoins.
Le paramétrage du système évolue donc itérativement au fil des remontées des utilisateurs, tout en restant dans le cadre des fonctionnalités définies lors du cadrage.
Mois 3 : Déploiement et support
La conduite du changement reste une étape essentielle pour ce type de projets et se doit d’être bien préparée : plan de déploiement par périmètre fonctionnel, reprise des données, supports de formation, supports de communication sur la méthodologie PPM déployée.
Etape finale de la démarche, elle a pour objectif de rendre autonome l’ensemble des acteurs internes sur l’utilisation du système (via des formations à l’outil et au processus PPM définis) ainsi que sur l’administration de l’outil (via un transfert de compétence interne).
Un accompagnement « support » est ainsi proposé sur les premières d’utilisation pour contrôler la vertu du système mis en place.
En synthèse, cette démarche permet donc de concevoir rapidement un dispositif PPM avec les fonctionnalités essentielles à la bonne supervision de son portefeuille de projets afin de pouvoir décider des meilleures options.
Conclusion
Pour les éditeurs de dispositifs du PPM, qu’ils soient simples ou complexes, intégrés dans le système d’information du client ou non, cette mutation du marché représente un défi de poids, l’adéquation de leurs offres de services et donc de leur survie.
Dans ce contexte de transformation permanente, à la fois des besoins et exigences des parties prenantes de plus en plus nombreuses des dispositifs du PPM, et des offres proposées par les éditeurs PPM, les Directions de Système d’Information doivent se transformer :
- en tant que clientes du PPM pour leur propre pilotage
- en tant que fournisseur de services à ses partenaires métiers
Les DSI doivent pouvoir proposer des solutions innovantes et simples à mettre en œuvre tout en ayant en ligne de mire les aspects coûts/délais maitrisés de mise en œuvre des solutions PPM ainsi que leur pérennité dans le temps.
Compte tenu de l’importance du dispositif PPM dans le pilotage de l’entreprise afin qu’elle reste durablement performante, il est important d’aller à l’essentiel rapidement et s’appuyer sur une démarche pragmatique de mise en œuvre. Il faut donc définir un périmètre fonctionnel « réaliste » en ligne avec la maturité PPM de l’entreprise, sa taille et le périmètre de la population adressée.
L’outil du PPM (ergonomie, temps de réponses, couverture fonctionnelle…) reste une dimension clé du projet de la mise en place du dispositif du PPM, mais il faut prendre en compte le niveau de stabilité des processus et de l’organisation portés par le dispositif ainsi que la maturité des acteurs (hommes et femmes) des projets et des activités.
Mustapha BEN YOUSSEF
Manager expert
Antoine GLUTRON
Consultant Sénior PPM
Aurélien AUNE
Consultant PPM
Acteur du conseil en management et organisation, ORESYS est un cabinet indépendant de 310 consultants, basé à Paris, Lyon, Lille, Nantes, Toulouse, Marseille et à Bruxelles, Lausanne. ORESYS aide ses clients à piloter leurs activités et leurs investissements, améliorer leur performance et mettre en œuvre leurs projets de transformation.
Site web : http://www.oresys.eu/
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